Art et environnement : les indigènes, ces avant-gardistes de l'art écologique

01-02-2022

« Regarder une chose et la voir sont deux actes très différents. On ne voit quelque chose que si l’on en voit la beauté », écrit Oscar Wilde dans Le Déclin du mensonge. Pour le romancier et esthète du 19e siècle, l’art est créateur, davantage même que la Nature, dès lors qu’il donne à voir ce qui existe.

 

Si l’auteur évoque les brouillards londoniens, créés selon lui par ces impressionnistes d’avant-garde qui en ont capté la beauté, il rendrait sans doute hommage aujourd’hui au rôle clé des artistes indigènes dans notre vision de la Nature. 

 

Pourtant, ces orfèvres d’Amérique centrale conçoivent eux la Nature comme source de toute chose. Cette conscience du monde est à l’origine d’une culture spirituelle et d’une production artistique sans pareilles où l’harmonie de l’homme avec son environnement est de rigueur. 

 

Créés au cœur de la forêt du Darién, nous vous invitons à découvrir les masques sacrés des tribus Wounaan et Embera. Utilisées lors de rites chamaniques, ces œuvres d’art écologiques sont des témoignages directs d’une biodiversité exceptionnelle où les esprits de la nature côtoient ceux des ancêtres.

 

Chez les Indiens, l’art écologique n’existe pas

 

art et environnement

L’art et l’environnement sont indissociables pour les artistes indigènes

 

D’après l’historien de l’art Ernst Gombrich, il n’y a pas de notion de progrès dans l’Art, car le but de l’artiste varie selon les civilisations. Les masques sacrés de notre collection remplissent pour les communautés autochtones du Panama et de Colombie une fonction rituelle bien précise : entrer en communication avec les esprits. Selon leurs croyances animistes, ces haï peuvent tout autant être l’esprit des animaux, que celui des plantes, des pierres ou des défunts. 

 

Les artisanes qui réalisent ces ouvrages occupent donc dans la tribu un rôle majeur, ce sont elles qui tissent le lien entre le monde visible et invisible d’où émerge peu à peu le nemboro. Car si le chaman est le médiateur de cette rencontre, c’est aux artistes qu’incombe la mission d’en fournir l’instrument rituel nécessaire à la conduite de la cérémonie.

 

Nul besoin alors de prototype ou de dessin. « L’artiste est son meilleur critique. S’il dialogue avec son œuvre, c’est un artiste ; s’il dialogue avec le public, c’est probablement un imposteur » ajoute Ernst Gombrich. Le masque devient la manifestation de l’intuition sensible de l’artiste, il naît de cet échange intérieur entre elle, ses rêves, ses croyances, et ce monde rempli d’âmes.

 

œuvre d'art écologique

L’œuvre d’art écologique est un non-sens pour les Indiens qui vivent en harmonie avec la nature depuis leur plus jeune âge

 

Les masques sont toujours brûlés après chaque cérémonie, Ethic & Tropic les a converti en œuvres d’art destinées à perdurer, ils s’offrent alors à notre contemplation. Qu’aurait vu Mr. Wilde, le père de Dorian Gray, en plongeant son regard dans le sien ? Sa beauté. Celle de sa matière aux couleurs évocatrices de la Terre, celle de sa confection minutieuse, mais surtout celle qu’on devine. La richesse d’un paysage, berceau d’une culture mise en danger par nos sociétés.

 

Le masque n’est donc une œuvre d’art écologique qu’à nos yeux, puisque les Indiens considèrent comme une évidence le respect que doit l’homme à son écosystème. S’ils défendent le concept de développement durable, ce n’est que pour protéger leurs territoires et mettre en garde nos sociétés consuméristes sur leur impact environnemental.

 

L’art environnemental, le reflet d’une conscience écologique

 

Oui, la Nature est indissociable de l’art, qu’elle soit comme support ou comme modèle. Elle sera belle, régulière et sage chez les classicistes, grandiose et sauvage chez les romantiques, intime et sensible chez les impressionnistes. Mais la fin du XXe siècle a vu apparaître, avec le développement du capitalisme, un mouvement nouveau où la nature n’est plus dans l’art le reflet de la condition humaine, sinon son sujet central.

 

Exploitée, transformée, menacée, elle inspire de nouveaux mouvements artistiques tels que le Land art, le Reclamation Art ou le Recycled Art. L’art environnemental devient une des manifestations du principal enjeu politique du XXIe siècle. Dans ce contexte, l’art indigène, longtemps stigmatisé par une conception eurocentriste de l’art, semble aujourd’hui plus que jamais faire écho à ces mises en garde climatiques.

 

art environnemental

L’art indigène, précurseur de l’art environnemental, s’impose désormais sur la scène internationale

 

La déforestation, l’élevage intensif, le commerce illégal et non durable d’espèces sauvages ont déclenché de 60 à 70 % des nouvelles maladies qui sont apparues chez l’homme depuis 1990. La dernière en date ayant provoqué une pandémie mondiale dont nous sortons à peine. Paradoxalement, ce sont ces populations des forêts tropicales d’Amérique centrale qui sont parmi les plus menacées par l’hypermondialisation

 

Ces peuples autochtones, fervents défenseurs de la cause environnementale, sont considérés comme des freins à la gestion spéculative des ressources naturelles. Pourtant, les Indiens du Brésil, bien que victimes régulières des attaques du président Jair Bolsonaro et de persécutions violentes, maintiennent fermement leur rôle et s’unissent d’une même voix aux tribus d’autres contrées.

 

« Nous ne connaissons le monde qu’à travers le prisme de notre structure mentale » affirmait Kant pour qui seule l’expérience construit la connaissance. Il est indiscutable qu’un personnage tel que Bolsonaro, comme le coronavirus ou les bouleversements climatiques, ont apporté une tout autre dimension à la question de l’urgence environnementale. De ce fait, le masque chamanique n’est plus une œuvre d’art ethnique, mais un regard porté sur le monde et sur nous-mêmes.

 

L’œuvre d’art écologique, soutient des communautés indigènes

 

Rapportés du Darién et fixés au mur dans nos intérieurs contemporains, les masques sacrés rendent hommage à ces populations qui luttent pour préserver leur indépendance. Leur fabrication, héritage de croyances chamaniques ancestrales, se transmet oralement depuis des générations et repose sur une profonde connaissance des ressources locales.

art écologique

L’art premier est un art écologique par essence

 

Tissés à l’aide de feuilles de palmier qui ont été récoltées, séchées et teintes à la main avec des matières naturelles, les nemboros sont réalisés à l’aiguille par les femmes des tribus Wounaan et Embera. L’élaboration de ces masques est le fruit d’un savoir-faire unique appliqué dans le respect total de l’environnement

 

Pas de surexploitation de matières premières, ni de déforestation, pas de teintures chimiques, ni de surconsommation d’eau. En plus de subventionner chaque artiste directement et sans intermédiaires, une partie des fonds est utilisée pour planter des arbres. 

 

Les bénéfices générés par l’activité de ces artisanes d’exception permettent à la communauté de perpétuer ses traditions, d’assurer la scolarisation des enfants, et de soutenir leur rôle majeur dans la préservation de l’environnement.

 

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Sources :